Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/425

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fille plus sotte, ny plus incapable, ce me semble, de donner de l’amour que celle-là.

0 que ces paroles me furent facheuses, et difficiles à supporter sans en donner connoissance ! Je me retiray en mon cabinet où cette ruzée me suivit, estant trop experimentée en semblables accidens pour ne recognoistre pas ceux. que ses parolles avoient causez en moy. Et parce que je me fiois entierement en elle, aussi tost que je la vis seule pres de moy, il me fut impossible de retenir mes larmes, et en fin de ne luy dire tout ce que jusques alors je luy avois celé de nostre affection.

Dieu sçait si Leriane receut un extreme contentement de ceste declaration, et quoy que tout son dessein ne tendist qu’à me divertir de l’amitié de Damon, si cognut-elle bien qu’il n’estoit pas encor temps de donner les grands coups, et qu’il la falloit affoiblir davantage, avant que l’entreprendre. Et pour le pouvoir mieux faire, elle me voulut donner une creance bien contraire à ce qui estoit de la verité, à sçavoir qu’elle estoit fort amie de ce chevalier, ce qu’elle faisoit pour m’oster toute mesfiance. Elle me parla donc de ceste sorte : J’avoue, ma maistresse, que vous m’avez sortie d’une extreme peine, et toutesfois je ne voudrois pas avoir acheté mon repos à vos despens. Si j’eusse pensé qu’il vous eust aimée, je n’eusse jamais eu peur qu’il eust tourné les yeux sur ma niece pour l’aymer.