Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/426

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Damon a trop de jugement pour vous changer à une autre, et mesme qui vaut si peu. Ce n’est qu’une humeur de jeunesse qui l’a esloigné de vous  ; il reviendra bien tost à son devoir, et ne faut pas que cela vous separe de son amitié. Il a beaucoup de merite, il est plein de courage, et sans mentir, personne ne le voit qui ne le juge digne d’une bonne fortune. Toutesfois je ne suis pas en doute que ceste action ne vous afflige, et ne vous donne autant de desplaisir, que si c’estoit quelque plus grande injure, et c’est parce qu’Amour est un enfant, qui s’offence de peu de chose. Mais, ma maistresse, ne vous en tourmentez point d’avantage. Si vous voulez user d’un remede que je vous donneray, vous serez tous deux bien tost gueris. N’avez-vous jamais pris garde qu’une trop grande clarté esblouyt, et que le trop de bruit empesche d’ouyr ? Peut-estre aussi trop d’amitié que vous luy avez fait paroistre, a rendu moindre son affection. Quant à moy, je le crois facilement, sçachant assez que ces jeunes esprits sont ordinairement subjets à telle chose, ou pour se croire trop asseurez de ce qu’ils possedent, si bien qu’ils deviennent nonchalans, ou pour mespriser ce qu’ils ont sans peine, et en abondance, qui leur donne de nouveaux desirs. Mais il faut user en ce mal (comme en tout autre) de son contraire. Je suis certaine que si vous feignez de vous retirer un peu de