Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/433

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peu fine, et qui outre cela pensoit bien s’excuser en rejettant le tout sur sa tante, luy raconta tout au long les discours de Leriane, et le commandement qu’elle luy en avoit fait. Damon qui estoit advisé, jugea, apres y avoir un peu pensé, à quel dessein elle l’avoit fait, et vid bien alors que le changement de mon amitié n’estoit procedé que de l’opinion que j’avois conceue qu’il aymast cette fille. Et pour ne luy en donner cognoissance, il la laissa, faisant semblant d’avoir affaire ailleurs, bien resolu de me le dire, quelque empeschement que Leriane y peust donner.

Et il sembla que la fortune luy en voulut offrir la commodité : car, ce mesme jour, Torrismonde voulut aller à la chasse. Et parce que la royne avoit accoustumé de l’y accompagner, je montay à cheval comme le reste de mes compagnes, et allames en troupe jusques à l’assemblée. Mais quand nous fumes au laissé courre, et que l’on eust donné les chiens, le cerf estant lancé sans se faire battre, laissa librement son buisson, et prenant une grande campagne, emmena à perte de veue toute la chasse apres luy. Ce fut alors que nous nous separames, et que les chevaux plus vistes laisserent les autres derriere. Damon qui estoit bien monté, avoit tousjours l’oeil sur moy, et me voyant un peu separée de mes compagnes, et jugeant par la