Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/437

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d’amour pour laver vostre offence de mon sang.

Si je fus estonnée d’ouyr cette trahison, vous le pouvez juger, sage Diane, puis que je ne luy sceus respondre de quelque temps. Et lors que je commençois de reprendre la parolle, et que je voulois luy donner toute satisfaction qu’il eust sceu desirer, je vis que la chasse revenoit à nous, et qu’elle estoit desjà si proche que, pour n’estre veue seule avec Damon, je fus contrainte de partir sans avoir le loisir de luy dire que ce peu de mots : La verité sera tousjours la plus forte. Et soudain frappant mon cheval de la houssine, je me jettay dans le bois, bien marrie de n’avoir peu luy respondre. Que si j’eusse osé luy commander de me suivre, je l’eusse fait, mais j’eus peur que quelqu’un ne nous rencontrast ensemble ; de sorte que j’aymay mieux remettre à une meilleure occasion la declaration que je luy voulois faire, outre qu’encores voulois-je lire les lettres qu’il m’avoit données, pour voir s’il m’avoit dit vray.

Or oyez, je vous supplie, de quelle sorte les rencontres sont conduites par les dieux quand ils se veulent mocquer de nostre prudence. J’avois esleu le lendemain pour sortir de peine le pauvre Damon, et ce fut ce jour qui le mit en sa derniere confusion. Je ne vous diray pas quelle fut la nuict qu’il passa, car on peut croire aysément que ce fust sans repos ;