Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/438

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tant y a que, le jour estant venu, il sort de sa chambre, et voyant que c’estoit l’heure que j’avois accoustumé de me lever, il se vint promener en une galerie de laquelle il voyoit quand on ouvroit la porte de ma chambre, en dessein d’y entrer aussitost qu’il sçauroit que je serois hors du lict. Mais de fortune ce jour je m’esveillay fort tard, tant à cause du travail de la chasse, que pour m’estre le soir amusée à lire les lettres de Leriane qu’il m’avoit données, et faut que j’advoue que j’y leus des supplications indignes du nom de fille, et entre les autres, en la conclusion de l’une, il y avoit ces mesmes mots : Recevez, ô beau et trop aymable Damon, les prieres de celle qui se donne à vous sans autre condition que d’estre vostre. Que si ce n’est par amour, ce soit au moins par pitié !

Certes l’estonnement que j’en eus, fut grand, mais plus encores le mespris que je conçeus de ces paroles. Il fut tel que de despit d’avoir esté si vilainement trompée, je ne peus clorre l’oeil de long temps apres m’estre mise au lict.

Mais, cependant que Damon, comme je vous ay dit, se promenoit dans ceste galerie, Leriane qui l’avoit veu en ce lieu, voulut essayer si un amant peut mourir de desplaisir ; car ayant trouvé en mesme temps Tersandre, elle le conduisit à une fenestre basse au dessous de celle où elle avoit veu que Damon s’appuyoit quelquefois estant las de se