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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/441

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rompre toute sorte d’amitié avec Leriane, et toute familiarité avec Tersandre, et ne cherchois que l’occasion de le pouvoir dire à Damon. Mais, abusé de la trahison que Leriane venoit de luy faire, lorsqu’il me vit, ce fut avec un visage si renfrongné, et tenant si peu de conte du salut que je luy fis, que veritablement, j’en demeuray offencée, ne sçachant point le dernier sujet qu’il, en avoit. Et toutesfois me representant la jalousie que je luy en avois donnée, quelque temps apres je l’en excusay. Nous entrames dans le temple, où les sacrifices furent commencez, durant lesquels je pris bien garde que de fois à autre il me regardoit, mais d’un ceil si farouche qu’il tesmoignoit bien qu’il estoit fort transporté.

Or oyez, je vous supplie, jusques où ceste passion l’emporta : lors que les hosties furent offertes, que chacun avec plus de zelle et de devotion faisoit d’une voix basse et à genoux ses prieres, il se releva dans le milieu du temple, et haussant là voix, il profera telles paroles : O Dieu ! qui es adoré dans ce sainct lieu par ceste devote assemblée, si tu és juste, pourquoy ne punis-tu l’ame la plus perfide et la plus cruelle de toutes celles qui sont au monde ? Je t’en demande justice en sa presence, afin que si elle a quelques deffences, elle les allegue ; mais si cela n’avient point, je diray que tu es injuste ou impuissant. Vous pouvez penser, sage bergere, quelle je devins et