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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/445

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vous recevrez des nouvelles que j’ay à vous dire, m’a commandé de les vous raconter, non pas pour amitié qui soit entre vous, mais pour celle qu’il sçait que Madonte vous porte.

Et lors il nous raconta par le menu tout ce que je viens de vous dire de ce combat, puis continuant : Lorsqu’il fut remonté à cheval, dit-il, et que je luy vis prendre les lieux plus esloignez de la frequentation du peuple, je m’en estonnay, car il estoit fort blessé, et ne peus m’empescher de luy dire qu’il me sembloit que le plus necessaire estoit de trouver quelque bon mire pour penser ses playes. Il me respondit froidement : Nous le trouverons bien tost, Halladin, n’en sois point en peine. J’eus opinion qu’il disoit vray, et de ceste sorte, je le suivis quelque temps, non sans peine toutesfois, en luy voyant perdre une si grande abondance de sang. En fin il parvint sur les rives du fleuve de Garonne, en un lieu où du rivage relevé par quelques rochers on voyoit le courant de l’eau qui, d’une extreme furie, se venoit rompre contre, et la hauteur estoit telle qu’elle faisoit peur. Estant arrivé en cet endroit, il voulut mettre pied à terre, mais il estoit si affoibly de la perte du sang, qu’il falut que je luy aydasse à descendre.

Et lors s’appuyant contre le dos d’un rocher, il sortit de sa poche un papier, et me le tendant, il me dit : Cette lettre s’adresse à la belle Madonte,