Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’en advertir, afin que j’y donnasse le meilleur ordre que je pourrois. Et apres il adjousta tant de supplications, en me demandant pardon de l’offence qu’il avoit faite de m’oser aymer, et me fit tant de protestations de vivre à l’advenir comme il devoit, que je fus contrainte, par l’advis mesme de ma nourricé, de luy pardonner.

Mais, sages bergeres, je vous raconteray maintenant l’une des plus grandes meschancetez qui fut jamais inventée contre une personne innocente. Je vous ay dit qu’Ormanthe avoit, par le commandement de Leriane, rendu toutes les privautez qu’elle avoit peu à Damon. Il faut que vous sçachez qu’elle n’estoit point si laide, ny luy si degousté, qu’en fin ils n’en vinssent aux plus estroites faveurs, tellement qu’elle devint enceinte. La pauvre fille le declara incontinent à cette malicieuse qui, au commencement, en fut estonnée ; mais revenant soudain à ses malices accoustumées, elle fit dessein de se servir de ceste occasion pour faire croire à Damon que j’aurois eu cet enfant de Tersandre, et pour ce elle deffendit expressement à Ormanthe de ne luy en rien dire, ny à personne au monde. Et dés lors, parce que le ventre commençoit à luy grossir, elle luy enseigna comme elle se devoit habiller pour couvrir ceste enflure, portant des robes volantes, ou froncées au corps. Mais quand elle sceut que Damon estoit mort, et