Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/456

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que toutes choses estoient changées, comme vous avez entendu, elle resolut de ne perdre ceste belle invention et de s’en servir à ma ruine.

Voyez donc ce qu’elle fit. Depuis l’accident de Damon, j’avois presque tousjours tenu le lit, sinon l’apres-disnée que je me levois, et me renfermois dans mon cabinet où je demeurois jusques à neuf et dix heures du soir, entretenant toute seule mes pensées, sans que personne sceut que j’y fusse, sinon ma nourrice, et quelques filles qui me servoyent, auxquelles j’avois deffendu d’en parler à personne du monde. Et parce qu’on eust peu trouver estrange que je n’allois plus chez la royne, si l’on eust sceu que je n’eusse point eu de mal, je feignois d’estre fort malade ; et pour, tromper les medecins, je ne me plaignois point de la fievre, ny d’autre maladie recognoissable ; mais quelquefois de la migraine, du mal de dents, de la colique et semblables maux. Et d’autant que quelques-unes de ires amies m’envoyôient visiter, n’ayant pas la hardiesse d’y venir elles-mesmes pour ne desplaire à Leontidas et à sa femme, qui avoient un grand pouvoir prés du roy et de la royne, j’avois commandé à ma nourrice de faire mettre une fille en mon lict, qui recevoit les messages pour moy, et feignant que le mal l’empeschoit de parler, ma nourrice faisoit les responces.