Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/493

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

affection, ne peut clorre l’oeil de long temps apres.

Cependant, ainsi que je vous disois Madame alloit racontant sa fortune à ces belles bergeres, et parce qu’une grande partie de la nuict estoit des-ja passée, peu à peu le sommeil s’escoula dans les yeuxx de Phillis et d’elle. Mais Astrée qui ne pouvoit dormir, alloit entretenant Diane, qui de son costé, recognoissant l’extrme affection, de Silvandre, commençoit de l’aymer, quoy que ceste bonne volonté prist naissance assez insensiblement car elle-mesme ne s’en prenoit garde. Au commencement ce ne fust qu’une cognoissance de son merite (aussi est-il necessaire de cognoistre avant que d’aymer) ; depuis, sa conversation ordinaire luy fit trouver sa compagnie agreable ; et, en fin, sa recherche avec tant de discretion et de respect le luy fit aymer sans mal dessein, toutesfois d’avoir de l’amour pour luy.

Astrée qui avoit toutes ses pensées en Celadon, ne pouvant si tost clorre l’oeil, voyant que Phillis et Madonte estoient endormies, et croyant de n’estre escourée de personne, pardoit de ceste sorte à Diane : Veritablement, ma sœur, il faut advouer qu’une imprudence attire beaucoup de peines apres elle, et que quand un faite, il faut beaucoup de sagesse pour la reparer. Considerez, je vous supplie, combien celle que je coomis en l’amité de Celadon m’a rapporté et