Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/494

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me rapportera d’ennuis, puis que je ne sçaurois souffrir que ma pensée espere de m’en voir jamais exempte, sinon par la mort. Et encores ne pensé-je [265/266] pas que, si apres la mort, on a cognoissance de ce qui s’est passé en ceste vie (comme pour certain je croy que l’on a), je n’aye dans mon tombeau mesme le regret d’avoir commis ceste offence contre la fidelité de Celadon, et cependant voyez à quoy ceste de soing j’ay tenue si longuenebt cachée, et que je ne voulois pas mesme estre cognue à ma chere compagne, la voilà, dis-je à ceste heure descouverte par moy-mesme à des personnes estrangeres, et qui ne me sont obligées d’aucune de devoir. Ah ! Que si je revenois au bon-heur que j’ay perdu, je me conduirois bien, ce me senble, avec plus de prudence ! – Ma sœur, respondit Diane, la foiblesse humaine a cela de prope, qu’elle ne recognoit presque jamais sa faute que quand elle en ressent le mal, d’autant que les dieux veulent seuls estre estimez parfaits et sages. De sorte qu’il ne faut point que vous croyez que si la porte que vous avez faite de Celadon ne fust advenue de ceste façton, c’eust esté sans doute de quelque autre, car il n’y a rien de ferme ny d’entierement arresté parmy les hommes. Je ne dis pas que la prudence re puisse esloigner, divertir ou amoindrir un peu ces accidents, mais croyez,