Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/495

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ma sœur, il faut en fin que, par la preuve, nos cognoissions, que nous sommes hommes, c’est à dire avec beaucoup d’imperfections. – Si voyons-nous, respondit Astrée, plusieurs personnes que passent plus doucement leur vie que d’autres, ou de qui pour le moins les actions ne sont point au veu et au sceu du public, et sans aller plus loin, j’advoue que vous avez eu du mal-heur en Filandre, mais qui est-ce qui vous le peut reprocher ? – Ah ! Ma sœur, respondit Diane, il n’y a rien qui nous fasse de plus rudes reproches de nos fautes que la cognoissance que nous en avons nous-mesmes. – Il est vray, repliqua Astrée ; si m’advouerez que, tout ainsi que le bien que nous possedons est plus grand quand il est cogneu, de mesme aussi le mal, dont chacun a cognoissance, est bien plus cuisant. De là vient qu’avec tant de soing chacun s’efforce de cacher les incommoditez qu’il souffre, et qu’il y en bien souvent qui ayment mieux les avoir plus grandes et qu’elles soient cacheées et secrettes. Or, ma sœur, je vous ayme trop ne vous-advertir d’une chose, où, ce me semble, vous devez apporter tous les remedes de vostre prudence. Et puis qu’il n’y a personne qui nous escoute, je penserois user de trahison, si je ne vous descouvrois ma pensée. Car je sçay bien que que, si autrefois j’euse avant mon malheur recontré une amie qui