Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/510

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à quoy elle se plaisoit de sorte que, soudain qu’elle pouvoit prendre quelque loisir, elle s’y en alloit, quelquefois en compagnie de Paris, et bien souvent seule, n’y ayant guiere plus d’une demie lieue de la maison où elle demeuroit jusques aux hameaux de ces bergeres ; et le chemin encores estoit tant agreable à cause de la. douce riviere de Lignon, et des boccages qui s’y rencontroient, qu’il estoit impossible de s’y ennuyer.

Il advint donc qu’estant resolue un jour de s’y en aller toute seule, elle alla passer sur le pont de la Bouteresse, et descendant le long des rives de Lignon, encores qu’il n’y eust point de sentier si pres de la rive, elle ne laissoit de s’y faire chemin pour le plaisir qu’elle prenoit de voir le poisson qui, dans la claire eau de la riviere, s’en alloit. à petites trouppes, se jouant ensemble le long du bord.

Et poursuivant ainsi son voyage, se trouva sans y penser prés de la fontaine, où Celadon souloit cueillir le cresson dont il se nourrissoit. Et de fortune le berger s’estant couché sur le bord, s’y estoit endormy un peu auparavant. D’aussi loing que la nymphe l’apperceut, elle le prit pour Lycidas, par ce que ces deux : freres estoyent presque d’une, mesme taille, et avoient accoustumé d’aller vestus .l’un comme l’autre ; et quoy que Celadon fust un peu plus grand, et eust le visage beaucoup plus grand et plus agreable, si est-ce que, s’approchant