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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/511

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de luy, elle y fut deceue, tant pource qu’elle creut asseurement que Celadon n’estoit pas en ceste contrée, que pour le changement de son visage, ou pour l’opinion qu’elle avoit que Lycidas plein de jalousie, comme elle sçavoit bien qu’il estoit, se retiroit ainsi seul par ces lieux esgarez.

Tant y a qu’elle s’assit aupres de Celadon, pensant qu’il fust Lycidas ; mais voyant qu’il ne s’esveilloit point, elle resolut de continuer son voyage, et le laisser en repos. Il estoit couché sur le costé, et le petit sac où il souloit tenir ses lettres paroissoit un peu hors de sa poche, d’autant que sa juppe s’estoit retroussée. Elle y porta curieusement la main, et le tirant doucement sans qu’il s’esveillast, fit dessein de voir ce que c’estoit, et le luy faire chercher quelque temps avant que de le luy rendre, si c’estoit chose qui en meritast la peine.

Elle part donc avec ce larrecin, et laisse ce berger endormy, qu’incontinent apres se resveilla. Et parce que le soleil, commençoit de passer sa chaleur plus ardente et qu’il ne s’estoit mis aupres de ceste fontaine que pour jouyr du frais que son onde, et l’ombrage des arbres voisins y conservaient, il partit de ce lieu et se mit dans le plus sauvage du bois. Mais d’autant que tout son entretien estoit de la memoire de sa bergere, il ouvre la petite boite qu’il portoit .au col, où estoit le pourtrait d’Astrée, et apres l’avoir contemplé quelque temps, il leut