Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/512

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les paroles qu’il avoit autrefois escrites sur l’autre costé, qui estoient telles,

Privé de mon vray bien, ce bien faux me soulage

Helas ! disoit-il, ô miserable : Celadon ! que c’est bien maintenant que tu peux dire que, privé de ton vray bien, ce bien faux te soulage, puis que tu n’as plus que des biens imaginaires, les autres t’ayans esté ravis par la personne mesme de qui tu les tenois. Et puis considerant le pourtraict, et parlant à luy, comme si c’eust esté Astrée mesme : Est-il possible, disoit-il, ô ma belle bergere, que je vous aye despleu ? Mais est-il possible que, vous ayant despleu, je rive encore ? Que je vous aye despleu, il est impossible selon ma volonté ; mais que je vive apres cette faute, il est impossible selon mon affection.

Et demeurant sur ceste consideration quelque temps muet, il reprit ainsi la parole ; Si elle veut que je vive, pourquoy me bannit-elle du lieu où seulement je : puis vivre ? Et si elle veut que je meure, pourquoy ne me l’a-t’elle commandé absolument ? Mais quel plus expres commemdement faut-il que nous attendions que celuy qu’elle m’a fait de ne me presenter jamais devant elle ? Puis qu’elle sçait bien que sa veue est ma vie, me deffendant ceste veue, ne me commande-t’elle pas de mourir ?

Et lors se reprenant : Cela sans doute, disoit-il, suffiroit