Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/513

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pour me faire chercher le trespas, si je ne sçavois que ce qui est raisonnable au jugement des autres, est sans force de raison en elle. Il semble à chacun que c’est chose juste d’aymer celuy dont il est aymé, et que l’amitié ne se paye que d’amitié ; et au contraire, elle .juge raisonnable de hayr ceux qui l’adorent. Pourquoy donc ne dois-je croire que ce commandement de vivre eslongné d’elle est plustost pour me faire souffrir davantage en vivant, que pour me faire abreger mes. peines par une mort avancée ? Mais ce n’est pas encor ce qu’elle veut de moy, puis qu’elle sçait bien que je ne puis vivre ainsi. A-t’elle jamais demandé de moy que des preuves impossibles ? Tesmoins, disoit-il peu apres, les commandemens que, de bouche et par lettres, elle m’a faits si souvent, de feindre d’aymer quelque autre, et rendre ceste feinte accompagnée de ces véritables démonstrations qui sont ordinairement avec les plus parfaites amitiez. Et lors, resserrant ce cher pourtraict pour lire les lettres où ce commandement luy estoit fait : Or sus disoit-il, vivons donc pour sa gloire, puis que nous ne le pouvons faire pour nostre contentement.

Et à ce mot, ayant remis sa petite boitte dans son sein, il voulut prendre : les lettres qu’il portoit en sa poche, serrées dans un petit sac ; mais l’y ayant quelque temps cherché en vain, il s’assit en terre, et espancha sur l’herbe tout ce qu’il avoit en