Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/521

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fait plus de bruict, le berger ne s’en fust pas pris garde, tant il estoit attentif à ce qu’il pensoit.

Et lors que, suivant le sentier qui la conduisoit, elle eust fait le tour du buisson, et qu’elle fust venue prés de l’entrée par le costé de la riviere, elle l’ouyt souspirer beaucoup plus haut, et quelquefois parler ; mais elle n’en pouvoit entendre les paroles, encor que le murmure de la voix vint jusques à ses oreilles. Cela fut cause qu’avec plus d’asseurance, elle vint doucement jusques à l’entrée, et se joignant contre le rocher, et puis mettant peu à peu la teste dedans, elle l’ouyt parler de cette sorte : Commençons desormais à bien esperer ô mon cœur, puis que tout ainsi que la mesche de la lampe acheve de brusler, lors que le feu a consumé toute l’huyle, de mesme nous devons croire que nostre mal’heur finira, ayant desormais consumé peu à peu tous les biens et contentemens qui nous restoient. Heureuse perte, que je te cheris, si par ton moyen je puis sortir de la miserable vie que je treine ! Ah ! que je beniray le jour que vous m’avez esté ravis, ô mes chers papiers, si vostre regret me peut faire mourir, puis que je ne dois esperer que mes ennuis cessent qu’avec ma vie.

Leonide qui l’escoutoit, fut touchée de tant de compassion, reconnoissant que veritablement c’estoit Celadon, et fut surprise d’une si soudaine joye, qu’encores qu’elle eust resolu de le laisser