Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/522

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plaindre et l’escouter plus long temps, si fut-elle contrainte de s’en aller à luy, les bras ouverts, en luy criant : Ah ! Celadon, c’est trop se plaindre, c’est assez avoir.eu de tristesse et de desplaisir ; il est temps de changer de vie et de passer plus doucement vos jours.

Si Celadon fut surpris oyant ceste voix tout à coup, et la voyant venir à luy, on le peut assez juger, puis que depuis le temps qu’il estoit venu en ce lieu, il n’y avoit veu personne, et qu’ayant l’esprit entierement en ses pensées, elle fut aupres de luy avant qu’il eust seullement ouy ce qu’elle disoit. Il se releva en sursaut ; mais la surprise fut telle qu’il fut contraint de se rassoir, tant la vie qu’il avoit menée, et la mauvaise nourriture qu’il prenoit ordinairement l’avoient affoibly.

Lors la nymphe, pour luy donner loisir de revenir à luy-mesme, s’assit sur son lict, et luy prenant la main : Et bien ! Celadon, luy dit-elle en fin, estoit-ce pour faire cette vie que vous desiriez avec tant d’impatience de sortir d’entre les mains de Galathée ? Est-il possible que nostre compagnie vous fust tant desagreable que vous la voulussiez fuyr pour celle des rochers et des bois ?

Le berger alors ayant repris ses esprits, luy respondit froidement : Vous voyez, belle Leonide, à quoy m’a reduit Amour, et jusqu’où peut parvenir la puissance que vous avez sur ceux qui vous ayment. – Comment, dit-elle, est-il possible que .l’amour