Aller au contenu

Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/523

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’autruy vous ayt fait mespriser de ceste sorte vostre propre conservation ? – Mais est-il possible, respondit le berger, que vous qui vous, vantez de sçavoir aimer, ayez doute que mon affection ne me puisse encore porter à de plus grandes extremitez ? – Pour le moins, repliqua la nymphe, si j’avois à mourir, j’en voudrois demander la raison à celuy qui me condamneroit. – Et quelle autre meilleure raison, adjousta Celadon, dois-je desirer d’en sçavoir, sinon que celle qui peut tout sur moy le veut ainsi ? Tellement que la raison de mon mal sera que mon bien luy desplait. – Miserable condition, dit la nymphe en le plaignant, que la. tienne, Celadon ! – Tant s’en faut, dit-il, voyez, sage nymphe, combien vous estes deceue. Je ne sçaurois desirer plus de bien que le mal que je souffre ; car en pourrois-je souhaitter un plus grand que de luy plaire ? Et si mon mal luy plait, me pourrois-je douloir ? Tant s’en faut, ne me dois-je point resjouir de ce qui luy est agreable ? Et alors s’escriant : O heureux Celadon, dit-il, et en une chose moins heureux, qu’Astrée ne sçait pas que tu es heureux !

Leonide luy oyant tenir ce langage, demeuroit tant estonnée qu’elle le regardoit avec admiration. En fin, apres avoir esté quelque temps muette, elle dit : J’advoue, berger, que si c’est aymer que ce que vous faites, il n’y a que vous entre tous les hommes qui sçachiez aymer ;