Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/524

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mais prenez garde que comme l’abus se mesle ordinairement parmy toutes les choses bonnes pour les corrompre et gaster, de : mesme la melancolie et l’opiniastreté ne prennent place parmy vostre amitié. – J’ay fort peu de soucy, respondit le berger, de tous les accidents qui me peuvent arriver, pourveu que mon amour n’y soit offencée. – Mais, dit Leonide, aymez-vous bien Astrée ? – Vous me faites, respondit-il., une demande à laquelle vous pourriez bien respondre sans moy. – Si vous l’aymez, continua la nymphe, vous devez donques aymer ce qui est à elle ; et si cela est, pourquoy ne vous aymez-vous, puis que vous estes tellement sien, que vous cessez d’estre vous-mesme ? – Puis que j’ayme Astrée, repliqua le berger, je dois hayr tout ce qu’elle hait. Astrée veut mal au miserable Celadon : pourquoy donc, belle nymphe, ne luy porteray-je toute la haine qui me sera, possible ? – Çhascun, dit-elle, est plus obligé à sa propre conservation qu’à la haine ou amitié d’autruy. – Ces loix, interrompit incontinent le berger, sont bonnes et recevables parmy les hommes, mais non pas parmy les amants.

– Et quoy, dit la nymphe, laisse-t’on d’estre homme quand on devient amant ? – Si vous appellez estre homme, dit-il, que d’estre subjet à toutes sortes de peines et d’inquietudes, j’advoue que l’amant demeure homme ; mais si cest homme a une