Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/544

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tout y est bien changé. Car Astrée, Diane et Phillis ne sont qu’une mesme chose ; elles sont ordinairement ensemble, et depuis vostre perte vous diriez que Diane a succedé à vostre place. De plus vous avez autresfois veu Silvandre, que l’on appelloit le berger sans affection : il est maintenant si fort amoureux que, peut-estre, si ce n’est Celadon, il n’y en eut jamais en vostre hameau qui le fust davantage, et cela luy est aven comme je vous vay dire. Phillis et luy entrerent en different de leurs merites, et parce que le berger, qui a l’esprit vif, et a frequenté les escoles des Massiliens, selon que je luy ay ouy dire, avoit des raisons plus fortes et plus pressantes que la bergere, elle qui est d’une humeur tres-agreable, proposa que Silvandre, pour rendre preuve de son merite, fut condamné de servir avec tant de discretion une bergere qu’il s’en fist aymer. Le berger accepta ce qu’elle proposoit, à condition que Phillis fut contrainte , d’en faire de mesme. Apres plusieurs difficultez, Astrée, Diane et moy, ordonnasmes que tous deux serviroient ,une mesme bergere, et que dans trois mois ceste bergere jugeroit lequel des deux avoit plus de merites pour se faire aimer. cela estant ainsi resolu, Diane fut esleue pour estre servie de tous deux. De sorte que depuis ce temps, Phillis fait si bien la passionnée qu’il n’y a berger qui s’en sceust mieux acquitter.