Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/545

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Or voyez ce qui est advenu de cette feinte : Silvandre, qui, comme je vous disois, estoit jadis si desdaigneux, est en faignant devenu si esperduement amoureux de Diane qu’il n’y a personne qui ne recognoisse bien qu’il outrepasse la feinte ; et si je m’y sçay cognoistre, Diane donnera son jugement à son advantage. Car encor que la froideur et la modestie de ceste bergere soient tres-grandes, si recognoit-on bien qu’elle n’a point sa recherche desagreable, et quant à moy, j’avoue que, horsmis Celadon, je ne cognois berger plus digne d’estre aymé. Et parce que ceste feinte recherche est cause que Phillis est presque tous- jours avec Diane, et que Silvandre ne laisse Diane que le moins qu’il peut, Lycidas vostre frere a creu qu’il y avoit de l’amour entre Phillis, et Silvandre, et se l’est tellement persuadé qu’il a conceu une si grande jalousie qu’il ne les peut souffrir ensemble. Et d’autant que Phillis ne peut se bannir de la compagnie d’Astrée, et que Diane est tousjours avec elle, et Silvandre aupres de Diane, le pauvre Lycidas ne le pouvant souffrir, ne voit plus Phillis que par des rencontres qu’il ne peut esviter.

– Voilà bien du changement, respondit le triste Celadon, et faut que j’advoue qu’ils sont tous bien fort à plaindre, et Lycidas sur tous, puis qu’il est retombé en ceste dangereuse maladie d’amour. Mais je ne le trouve point estrange, ayant tousjours esté