Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/546

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le naturel de mon frere de se laisser aller à ces impressions. Je proteste quant à moy, que nous ne sommes point freres de ce costé là. Je ne veux pas nier que je n’aye esté une fois jaloux, mais je crois que c’est que les amans y sont subjets une fois en leur vie, comme l’on dit que les petits enfans le sont à des certaines maladies dangereuses qui ne leur viennent qu’une fois. Phillis aussi n’est pas peu à plaindre qui, ayant donné tant d’asseurances de bonne volonté à Lycidas, le voit toutesfois entrer en doute de son amitié. Mais je crois que la cognoissance qu’elle a que ceste jalousie en mon frere n’est qu’un excez d’amour, luy fait porter ce desplaisir avec moins d’impatience. Quant à Silvandre, et à Diane, encores qu’il faille confesser qu’il estoit impossible que deux sujets d’amour se puissent rencontrer plus esgaux, car si Diane en beauté et en biens de fortune surpasse Silvandre, la vertu et le merite du berger les peut bien contrepeser, si est-ce que je les plains tous deux infiniment, parce que les ayant veu vivre tellement maistres de leurs actions, qu’il n’y avoit rien qui peust interrompre leur repos que leurs affaires domestiques, et sçachant par experience en quel cahos de troubles et d’inquietudes ils se vont plonger, il est impossible que je ne sois touché de pitié de leur voir faire un changement si desavantageux. Voilà, sage nymphe,