Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/547

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qui nous apprend qu’il n’y a point de bon-heur asseuré entre les hommes.

Celadon, respondit la ,nymphe, je crois que vous seriez le mesme Teutates, si vous leur pouviez persuader qu’ils ne fussent beaucoup plus heureux qu’ils n’estoient autrefois ; et mesme Silvandre, de qui la compagnie est au double plus aymable.qu’elle ne souloit estre, à ce que j’ay ouy dire à ceux qui l’ont veu auparavant.

– Quant à moy, dit Celadon, je suis en cela de l’opinion de ce berger, car s’il y a en amour quelque peine, en quelle sorte de vie n’y en a-t’il point ? Mais si vous considerez quels sont les contentemens que l’on reçoit d’aymer, et d’estre aymé d’une personne qui le merite, je ne croy point que vous ne m’accordiez que ce n’est pas vivre heureusement que de passer son age sans amour. – Ah ! Celadon, dit la nymphe avec un grand soupir, combien sont cherement vendus ces contentemens que vous dites ! Je m’en remets à vous-mesme, si vous en voulez avouer la verité sans passion. – Tous ceux qui ayment, repliqua Celadon, ne rencontrent pas des Astrées. – Mais, adjoosta Leonide, si vous ayez ceste opinion, pourquoy disiez-vous que vous le pleigniez ? – Parce, respondit Celadon, que tout ainsi que c’est une douce chose de vaincre à la luitte ou à la course, tout au contraire d’estre vaincu, de mesme je crains qu’y ayant beaucoup de travail en l’amour, ils ne soient