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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/56

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nos ancestres revindrent en Gaule, et en fin par mariage se logerent parmy les Segusiens.

Or, sage nymphe, je vous ay voulu faire entendre cecy, afin que vous puissiez mieux juger quelle doit estre l’amitié de Calidon et de moy, puis qu’estans tous deux Boiens, tous deux parents, et tous deux dans un pays estranger, il y avoit plusieurs occasions qui nous convivoient à nous aymer. Aussi j’advoueray librement que je l’ay tousjours affectionné comme mon propre fils : je puis user de ce nom puis que je luy ay rendu les assistances et offices d’un bon pere, l’ayant nourry et eslevé aussi soigneusement que l’amitié de son pere, qi estoit mon oncle, l’eust peu desirer de moy, lorsqu’il estoit encore si enfant qu’il ne pouvoit avoir presque cognoissance du bien ny du mal.

Ceste belle Célidée estoit nourrie tout aupres de ma cabane, par la sage Cleomene, et quoy qu’elle fust en un âge où il n’y avoit pas apparence qu’elle peust donner de l’amour (car elle n’avoit pas encore attaint la neufiesme année) si faut-il que j’advoue que ses qactions enfantines me pleurent, et que dès lors, me sentant touché d’une façon inaccoustumée, je me plaisois à ses propos, et aux petits jeux qu’elle faisoit de sorte qu’encores que j’eusse un siecle pour le moins plus qu’elle, je ne laissois de me jouer, comme si j’eusse esté de son age. Combien de fois luy ay-je souhaitté en ce temps-là cinquante ou soixante lunes de celles qui me sembloit avoir