Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/561

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bien ce qu’il chantoit de ceste sorte, mais non pas ses pensées ; au contraire, s’arrestant sur le dernier couplet : Helas ! disoit-il, Amour, puis que tu ordonnes que l’automne n’ait point de fruicts pour moy, que ne permets-tu pour le moins que le printemps me donne des fleurs ? Si est-ce bien ta cousturne, ô petit Dieu ! de nourrir d’esperance ceux que tu ne peux contenter. Et pourquoy romps-tu ceste coustume pour moy ? Mais va, tu es juste, puis qu’il ne falloit pas chastier mon outrecuidance avec un moindre supplice que celuy que je ressens. Et toutesfois je m’en plains, car encor qu’il soit juste, il ne laisse pas d’estre douloureux, comme, encore que coulpable, je ne laisse pas d’estre sensible.

A ces mots il se teut, et roulant plusieurs sortes de pensées, il donna loisir à Diane de jetter l’oeil sur ses compagnes et voyant qu’elles l’avoient apperceue, elle en eut honte, et pource se levant doucement, et s’approchant d’elles, elle dit à Phillis : Je vous supplie, mon serviteur, cependant qu’Astrée et moy nous esloignerons un peu, demeurez icy, afin que si ce berger nous oyoit partir, vous le puissiez amuser, car je ne voudrois pas qu’il sceust que je l’eusse escouté. Et Phillis ayant fait signe qu’elle y prendroit garde, Astrée et Diane s’en allerent. Je remarquay que Lycidas jugea lors que ces