Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/58

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Ou pres d’euxpour le moins demeurent si pallis,
Qu’ils ne retiennent rien de leur clarté premiere.

Quel sera le Midi d’un si bel Orient ?
Je prevoy dès icy que le ciel tout riant,
Et qui ne vit jamais une aurore si belle,

Se promet d’en brusler les hommes et les dieux.
Amour, ou rends son coeur aussi doux que ses yeux,
Ou nos yeux et nos coeur insensibles pour elle.

Et parce que je prevoyois que cette beauté seroit veue de plusieurs, et que mon coeur ne seroit pas le seul qui en bruleroit de desir, je me resolus, d’occuper pour le moins le premier son ame, sçachant bien qu’il y a double difficulté de parvenir en un lieu difficile de soy-mesme, et qui nous est deffendu par quelqu’un qui le tient comme le sien. Considerant que son aage n’estoit encore capable d’une serieuse affection, j’essayay de la gaigner par des actions enfantines, luy parlant toutesfois d’amour, de passion, de desir et de flamme ; non pas que je creusse qu’elle en peust ressentir encor quelque chose, mais pour l’accoustumer seulement à ces paroles, qui offencent ordinairement davantage les oreilles des bergeres, que les effects mesmes. Je