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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/59

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continuay cette vie plus d’un an, durant lequel quelquefois je luy dérobois quelque baiser, quelque fois je luy mettois la main dans le sein, feignant de me jouer, à fin que cette coustume me servist à l’avenir presque comme d’une possession.

Et sans mentir, grande nymphe, je travaillay pas en vain,car estant parvenue en l’aage de onze ans, elle commença de m’aymer, ce disoit-elle, comme son pere, et augmentant de jour à autre, elle me juroit qu’elle m’aymoit plus que son pere ny son frere ; et en fin, avant que les douze ans fussent accomplis, elle m’aymoit en enfant, et que ce n’estoit pas d’amour. Si fais, disoit-elle, d’amour. Et en effet, l’âge en quoy elle estoit, privée de toute malice, m’eut permis de l’engager à toute sorte de preuve de bonne volonté, si je n’eusse eu dessein de l’espouser, lors qu’elle eust esté un peu plus avancée. Mais cette consideration et celle aussi de la veritable affection que je luy portois, assoupit en moy toute mauvaise volonté. Et parce que sa simplicité me me faisoit croire qu’elle ne fust deceue de quelque autre, voyant desja plusieurs qui la recherchoient, je ne luy representois jamais que l’estime que chacun fait de la constance et de la fidelité, combien l’on meprisoit celles qui ayment diverses personnes,