Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/60

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combien les bergers sont ordinairement trompeurs et infidelles, et combien il se falloit peu fier en leur paroles, voir que c’estoit faute de les escouter. Et lors qu’un jour elle me respondit : Mais si c’est faute, il ne faut donc pas que je souffre que vous me parliez comme vous faites. Je vis bien qu’il y avoit encor de l’enfance en elle puis qu’elle ne cognoissoit pas mon dessein, et pour ce je luy fis un long discours de l’amitié, luy representant que nous n’estions En ce monde que pour aymer, que sans cette vertu il n’y auroit point de plaisir en la vie, que c’estoit elle qui redoit toutes les amertumes douces, et toutes les peines aysées ; qu’une personne qui vit sans amour est miserable, par ce qu’elle n’est amée de personne, qu’elle voyoit bien que sa mere avoit aymé son pere et que sa tante de mesme avoit choisi son oncle, mais que celles qui en aimernt plus d’un, estoient blasmées et mesprisées de chacun parce que n’estant particulierement à personne, personne n’estoit particulierement à elles. – Et quoy, me repliqua-t’elle, les bergers sont-ils aussi obligez de n’aymer qu’une bergere ?- Ils y sont sans doute obligez, luy disois-je, et d’effect ne voyez-vous pas que je n’ayme que vous ?- Mais adjousta-t’elle, avant que ja fusse né, n’aymiez-vous rien, et quand je mourrois, cesseriez-vous d’aymer quelque chose ? Je ne peus m’empescher