Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/592

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que mon amitié s’augmenta beaucoup par la veue que j’eus de vostre visage, car d’abord il me sembla de voir ma chere fille, tant vous avez de l’air l’un de l’autre. Cela est cause que je vous conjure par tout ce qui a plus de puissance sur vous, d’avoir agreable que je vienne quelquefois interrompre vostre solitude, pour me donner cette satisfaction de voir en vostre visage un pourtrait vivant de ce que j’ayme le plus au monde.

Le berger qui estoit plein de courtoisie, luy respondit qu’il luy feroit une particuliere faveur de prendre cette peine, et que s’il n’estoit contraint de se tenir esloigné de chascun, il iroit luy-mesme en sa maison, pour luy rendre ce service, et qu’il remercioit la nature de l’avoir tant favorisé que de luy avoir donné quelques traicts ressemblants à quelque chose qui fut aymée de luy.

Bref, pour ne redire icy toutes leurs paroles, qui par leur longueur seroient peut-estre ennuyeuses, Adamas se resolut de visiter bien souvent le berger, esperant par ce moyen le pouvoir retirer peu à peu de cette grande melancolie ; outre qu’il estoit vray qu’Alexis sa fille ressembloit. un peu à ce berger. Et d’autant qu’il estoit contraint, selon leurs statuts, de la laisser jusques en l’âge de quarante ans parmy les filles druides, qui demeuroient aux antres des Carnutes, il prenoit du plaisir, voyant Celadon qui la luy representoit