Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/61

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de rire de ceste naïve demande, et pour luy respondre : Sçachez, ma belle fille, luy dis-je, qu’avant que vous fussiez née, mon amour ne l’estoit pas encores, et quand vous vintes au monde, mon amour y vint avec vous. Et que si vous mourez avant que moy, elle s’enfermera dans vostre tombeau. – Et si vous mourez avant que moy, continua-t-elle, est-il nécessaire que j’en fasse de mesme ? et si cela est, apprenez-moy, mon pere, je vous supplie, comment il faudra que je fasse pour enclorre mon amour en vostre cercueil. – Ma fille, luy dis-je en souriant, parce que je suis nay avant que vostre amitié, il n’est pas raisonnable qu’elle meure aussi tost que moy, mais me survivant, il faut qu’au lieu que vous aymez à ceste heure ce que vos yeux vous font voir de moy, qu’alors vous en aymiez ce que la memoire vous en representera, et par ainsi, vous souvenant de Thamire, vous l’aymerez ; et ayant memoire de luy, vous n’en aymerez jamais d’autre, luy donnant aussi bien toute vostre volonté lors que vous vous ressouviendrez de luy, que vous devez faire à cette heure que vous le voyez. – Mais comment, disoit-elle toute estonnée, aymeray-je un mort ? Quelquesfois que vous me baisez, et que vous me chatouillez, ou me mettez la main dans le sein, si je vous demande pourquoy vous le faites, vous me respondez que c’est parce