Ha ! ma sœur, dit Astrée, Silvandre court bien cette fortune, mais tant que Diane s’exemptera d’amour, elle ne jouera jamais un si malheureux personnage que le mien. – Je vous l’advoue, repliqua Phillis, que tant que veritablement elle sera exempte d’amour, elle ne sera point en ce danger, mais si ce n’estoit que par dissimulation qu’elle en fust exempte, qu’en jugeriez-vous ? – Qu’elle seroit heureuse par opinion, dit Astrée, et qu’en effect elle seroit mal-heureuse; mais il n’y a gueres encpres d’apparence, l’humeur de Diane et les perfections de Silvandre n’estant point telles que la bergere puisse estre prise facilement, ny luy propre sujet pour la pouvoir prendre. Et à ce mot, prenant Phillis par la main, elle se leva pour aller trouver Diane. Toutesfois Phillis ne laissa de luy respondre : O ma sœur ! que vous estes deceue si vous avez cette opinion ! car pour ce qui concerne les merites de Silvandre croyez que quand un berger a dessein de plaire,il se rend tout autre qu’il n’est pas lors qu’il vit nonchalamment. De là advient que quelquefois l’on s’estonne si fort de voir des bergers cheris et aymez, que l’on juge toutesfois si desagreables. Et de là, ce crois-je, a pris naissance ce vieil proverbe : Nulles amours laides. Voire je diray bien davantage, que je n’ay encores veu jusques icy berger, qui ayt esté desagreable à celle
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