Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/636

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encores qu’ils feussent d’un hameau assez voisin. Quant à la bergere, elle pouvoit estre dicte belle et la nonchalance de ses cheveux et de ses habits luy adjoustoit plustost quelque grâce qu’elle ne luy en ostoit. Mais ce qui les rendit encor plus estonnez, fut qu’ils veirent le long d’un petit pré un autre berger qui de fortune survenant en ce lieu les avoit apperceus et les consideroit avec une si grande inquietude, qu’encores qu’il montràst de se vouloir cacher, si ne se pouvoit-il empescher de paroistre et de faire bruict par ses divers mouvemens. Quelquefois il avançoit la teste à costé de quelques branches qui le couvroient, et prestoit l’oreille pour ouyr ce qu’ils disoient; d’autresfois mettoit un doigt dans sa bouche, et le serroit entre ses dents ; peu apres, de ceste mesme main il se grattoit la teste, et en fin lors qu’il entr’oyoit quelque mot, il serroit les deux mains ensemble et les laissoit choir sur ses cuisses, et bref portoit si impatiemment de les voir ensemble qu’il n’avoit nulle fermeté en ses actions. D’autre costé la bergere faisoit paroistre d’avoir si peu agreable la venue de celuy qui estoit à genoux devant elle, qu’elle ne daignoit pas seulement tourner les yeux vers luy, et sembloit qu’elle se hastast de parachever sa coiffure, afin de s’en aller plustost de ce lieu.

Diane et sa trouppe voyant la beauté et le desdain de la bergere, l’affection et soubmission