Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/638

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Ha ! Doris, respondit le berger, si mon ame s’endurcissoit aussi bien à vos desdains que vostre cœur à mes prieres, il est certain que desormais je ne les sentirois plus; mais, helas ! cette coustume ne sert qu’à me rendre plus sensible, et tant s’en faut qu’elle m’allege, que tout ainsy que celuy est tousjours plus travaillé qui continue de porter un pesant fardeau, de mesme est-il de ceste coustume qui ne fait que rendre ma peine plus insupportable.

La bergere demeura quelque temps sans luy respondre, comme si elle eust esté attentive à s’habiller, mais voyant qu’il ouvfoit la bouche pour recommencer, elle l’interrompit par ces paroles : Voiez-vous, Adraste, tous vos discours ne servent de rien, et vous diray encor une fois pour toutes que je ne veux ny aymer ny estre aymée, et si vous ne voulez estre hay de moy, ne m’en importunez plus. – O Dieux ! dit le berger, qu’est-ce que j’entens ? Et lors se tournant vers elle : Est-il possible, luy dit-il, bergere, que les dieux ne se lassent jamais d’estre adorez des mortels, et que vous soyez ennuyez de l’estre de moy ? – Ne vous en estonnez point, Adraste, dit la bergere, c’est que je ne suis point déesse ; que si je l’estois et que Tonne me fist point de plus agreables sacrifices que les vostres, j’aymerois mieux estre sans temple et sans autels. Et à ce mot ayant parachevé de s’habiller, elle ramassa sa