Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/664

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jamais il ne l’eust quittée, jamais je ne m’en fusse soustraitte, et la derniere preuve que je luy rendis de mon obeyssance (car telle la puis-je dire, et non pas seulement affection) fut telle qu’elle devoit estre plus que capable de luy oster tous ces fascheuses et estranges humeurs.

Il faut que vous sçachiez, grande nymphe, que je suis demeurée fort jeune sans pere et sans mere, entre les mains d’un frere qui pour avoir plus d’aage que moy, et pour l’amitié qu’il m’a tousjours faict paroistre, m’a tenu jusques icy lieu de pere, soit en la conduitte de ma personne ou en celle de mon bien, ayant receu en toutes les occasions qui se sont presentées tant de bons offices de luy, que je puis en cela luy donner nom de pere. Estant tel, jugez s’il faloit, et si la raison mesme ne me commandoit que je me conformasse le plus qu’il m’estoit possible à toutes ses humeurs et volontez, et s’il y avoit apparence que je le deusse contrarier. Palemon toutesfois sans consideration de toutes ces choses, vouloit qu’absolument je m’en retirasse, non pas que je sortisse de sa maison, car il ne voyoit lieu où je peusse aller, mais ouy bien que desdaignant ce qui le contentoit, je ne fisse point d’estat de ceux qu’il aymoit, voire leur defendisse ma veue. Ceux qui ont esté soubs l’authorité d’autruy, sçauront si cela est faisable