Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/665

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ou non, toutesfois pour luy faire cognoistre qu’il ne voudroit jamais tesmoignage de mon amitié que je ne m’efforçasse de luy rendre, encore entrepris-je de le satisfaire en cecy.

Mon frere aymoit entre tous ses voisins un berger qui s’appelloit Pantesmon, homme à la verité qui avoit toutes les bonnes conditions qui peuvent rendre une personne aggreable. Il estoit sage, courtois, plein de respect, officieux, courageux et bon amy, et sur tout parmy les bergeres le plus discret de tout le hameau : ces qualitez convierent mon frere à l’aymer, et l’amitié rapporta une si ordinaire practique entre eux que malaysément se voyoient-ils l’un sans l’autre. Or il faut que j’advoue qu’encor qu’il eust de l’amitié pour mon frere autant qu’il en pouvoit. avoir, toutes-fois l’amour ne laissa de trouver place en son cœur ; car je ne sçay s’il remarqua quelque chose qui luy pleut en moy, ou si la fami- liarité qu’il avoit avec le frere fit naistre de la bonne volonté pour la sœur, tant y a qu’il est vray que je recognus bien qu’il m’aymoit.

Et voyez si je ne vivois pas franchement et comme je devois avec Palemon : aussi tost que j’en eus cognoissance, je le luy dis, et luy allois par apres racontant toutes ses actions, et toutes les demonstrations d’amitié que je remarquay en luy. Si j’eusse eu quelque dessein, jugez si j’en eusse jugé de ceste sorte !