Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/670

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Or estant ainsi delaissée, encor qu’il me fust infiniment necessaire de m’armer contre cest accident de quelques bonnes et fortes armes, si ne voulus-je me servir de celles que cet ennemy m’avoit envoyées, tant pour les juger honteuses que pour ne me prevaloir de chose qui vinst d’une personne a qui j’avois si peu d’occasion de vouloir du bien ; outre que les meprisant comme siennes, je les croyois indignes de moy, et infideles, aussi bien que j’estimoy leur inventeur perfide. Je recourus donc à d’autres qui estoient plus tardives certes en leurs effects, mais aussi plus selon mon humeur, qui furent celles du temps ; le temps, dis-je, fut l’arme et celuy mesme qui m’enseigna de me servir de ceste arme. Le temps fut mon medecin et ma medecine. Et à la verité, selon la coustume des choses qui se font lentement, le bien de ceste guerison n’a pas esté pour un jour, ny la deffence de ses armes pour un assault seulement, mais, Dieu mercy ! pour le reste de ma vie. Je dis Dieu mercy ! avec beaucoup de raison. Car, grande nymphe, quand je repasse par ma memoire la vie que j’ay faite, tant que ce perfide a monstré de m’aimer, et que je represente celle où je suis à ceste heure, il faut par force que j’advoue qu’il m’a plus obligée en me trahissant, que Pantesmon en m’obeyssant ; car ce n’estoit pas vivre, mais estre esclave,