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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/671

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que de demeurer en l’estat où sa tyrannie me retenoit. Or ce desloyal estant, comme je crois, envieux de la douceur de ma vie, ou n’estant pas content d’avoir triomphé une fois de moy, a voulu rebastir ses trahisons. Et comme au commencement il me surprit par soubmissions et par de tres-grandes demonstrations d’une violente amitié, il a creu en pouvoir faire de mesme à ce coup ; et c’est pourquoy vous le voyez, ô grande et sage nymphe, à genoux devant moy, usant des paroles telles que ceux qui ayment veritablement ont accoustumé de dire. Mais il n’a pas consideré que m’estant recogneue plus foible de ce costé-là que de tout autre, j’ay tasché de m’y fortifier d’avantage, et me semble que son opinastreté devroit estre desormais vaincue par la resistance que je luy ay faite, si ce n’estoit que, comme je croy, il ayme mieux se travailler et me desplaire, que de vivre en repos ; et semble qu’il cherisse d’avantage ce qui m’ennuye, que ce qui luy peut estre profitable.

Il continue donc ses feintes, et renouvelle au lieu d’amour un si aspre desdain en mon ame, que sa veue m’est plus insupportable que sa perfidie ne me le fut jamais, et faut advouer qu’il vient fort bien à bout de son dessein, si son dessein est de me deplaire.