Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/672

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Que si cela n’est pas, comme il jure, et comme il tasche de me persuader, et que par juste punition des dieux, il ayt veritablement rallumé sa flame esteinte, à qui faut-il qu’il s’en prenne qu’à luy-mesme, puis qu’il est le seul autheur de son mal, et que c’est luy qui s’est preparé ce supplice, sans que j’y aye rien contribué du mien, non pas les vœus seulement ? J’advoue qu’en me vengeant de la meschanceté qu’il m’a faicte, et que se chastiant de sa perfidie, par les mesmes armes dont il m’avoit offencée, il est homme plus juste qu’il n’est bon amant. Mais pourquoy m’accuse-t’il de sa peine, moy, dis-je, qui ne veus pas mesme avoir memoire qu’il soit au monde ? Ou pourqouy veut-il que je luy remette les armes en la main, desquelles en pensant me blesser il s’est offencé luy-mesme ? C’est une trop lourde imprudence de chopper deux fois contre un mesme bois. Il ne doit point esperer cela de moy, qui ay les images de ma vie passée trop vives encor en l’ame pour ne les veoir point toutes les fois que je tourne les yeux sur lui. Qu’il se retire donc et me laisse jouyr du bonheur qu’il m’a luy-mesme acquis, quoy que ç’ait esté avec un dessein bien contraire. Mais si le Ciel, selon sa coustume, a tiré du mal qu’il me preparoit un si grand bien pour moy, qu’il ne soit point marry, si j’en jouys, et si je sçay mieux me prevaloir de la faveur qu’il m’a faite