Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/675

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à l’amitié qu’elle m’avoit promise, puis qu’elle ne peut trouver occasion de se douloir de la mienne que par le soupçon, et se desguisant à mon desadvantage ce qu’au contraire elle devoit prendre pour plus grande asseurance de mon affection. Mais comment, ô Amour, m’oseray-je plaindre d’elle, puis que tu me commandes de ne trouver mauvais chose qu’elle veuille faire ? Je n’useray donc point de plainte, car mon cœur ne la desdira jamais en rien. Mais, ô sage nymphe, j’essayeray, en vous disant la verité, de vous faire entendre que Palemon sçait aimer, et que c’est sans raison que Doris a creu le contraire. Et pour commencer, et ne point user de longs discours, elle advoue que je l’ay aimée et qu’elle m’a aimé, mais que me reproche-t’elle pour avoir sujet de rompre ceste amitié ? Que j’ay esté jaloux, et je confesse que je l’ay esté ; mais si elle m’a aimé, ainsi qu’elle dit, pour avoir recogneu que je l’aimois, comment a-t’elle eu agreable mon amitié, et non point l’effect de mon amtitié ? Si tous ceux desquels elle estoit veue me donnoient de la jalousie, et si leur conversation, leurs paroles, voire leurs regards mesmes estoient soupçonneux, n’estoit-ce un tres-certain tesmoignage que je l’amois infiniment ? Elle dit toutesfois que de douter d’elle, c’estoit l’offencer et en faire un sinistre jugement. Ah ! grande nymphe, si cette bergere sçavoit aussi