Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/68

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conduitte par un sain jugement, et si c’est au mal, par un jugement despravé. Or d’autant que le jugement est rendu malade par la mescognoissance de la venté, aussi tost qu’on la luy faict recognoistre, il est remis en son premier estat. Et quoy que la volonté retienne aussi les ressentimens de cette mauvaise habitude, quelque temps apres la cognoissance de la verité, si est-ce qu’en fin elle la pert, et reprend celle de la vertu, parce que tout vice estant mal, et tout mal estant entierement opposé à la volonté, il n’y a point de doute que tout vice recogneu ne soit hay. Je vous dis ces choses, afin que vous ne desesperiez point de la guerison de ce jeune berger, de qui je pense avoir fort bien recogneu la maladie. Car, soit à son pouls< inegal sans luy rapporter autre accident, soit à sa foible voix surprise bien souvent par des demy-souspirs, soit à ses yeux qui semblent nager dans l’humidité, soit à la lenteur dont sa paupiere se hausse et s’abbat ; bref, à la tristesse qui est peinte en son visage, et à ce continuel silence, je juge qu’il est passionnément amoureux en lieu qu’il n’ose declarer, ou dont il est mal traité. Aussi tost que ce mire me tint ce langage, quelque demon me mit en l’esprit que c’estoit sans doute de la belle Celidée, et qu’à cause de la deffence que je luy en avois faite, il ne l’osoit dire. Et