Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/682

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point esté esmeu, n’eussé-je pas plus offencé nostre amitié qu’elle son frere, en faisant ce que je requerois ? Que si l’amitié a plus de privilege que l’amour, elle a bien quelque occasion de se douloir de moy. Mais si cela n’est pas, pourquoy trouve-t’elle estrange que mon amour ait voulu triompher de l’amitié qu’elle portoit à son frere ?

Et c’est d’icy, grande nymphe, que tous mes malheurs ont pris leur origine. Car luy reprochant la bonne chère qu’elle faisoit à ce berger, elle me respondit que l’amitié que son frere luy portoit en estoit la cause ; mais quand je luy repliquay que le bruit de leur mariage estoit si commun qu’il m’estoit impossible de vivre tant qu’il continueroit, et que je verrois le contentement de qui elle prefereroit. Et à quoy est-ce (me dit-elle, en changeant de visage) que vostre bizarre soupçon me veut encores contraindre ? – Vous le nommerez, luy dis-je, comme il vous plaira, mais je n’auray jamais repos que je ne voye ce berger eslogné de vous. – Et bien (me dit-elle d’une voix toute alterée) je vous contenteray encor en cecy, et Dieu vueille que ce soit la derniere fois que vous prendrez de semblables humeurs. Elle profera de sorte ces paroles, qu’elles redoublerent beaucoup plus mon soupçon que si elle m’eust avec quelque excuse entierement refusé. Ce qui me fit resoudre d’en apprendre une