Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/683

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fois en ma vie la verité, et pour m’en esclaircir mieux, je ne voulus me fier qu’à mes yeux propres. O malheureuse meffiance ! ô dommageable resolution ! qui depuis m’a cousté tant d’ennuis, de travaux et de larmes ! En ce dessein donc, j’espie le temps que Pantesmon la vint trouver en sa chambre, car de fortune ce jour elle tenoit le lict, fust de desplaisir, fust pour quelque legere maladie. Et passant par une montée desrobée qui entroit dans le logis, je vins par un passage caché me mettre en un cabinet dont la porte respondoit sur le lict. Mon malheur fut tel que par la fente des aix, je peux voir tout ce qu’ils firent, mais pour estre trop esloigné, je n’en ouys une seule parole. Je vis donques, et trop certes pour mon contentement, que le berger s’assit d’abord sur le pied du lict, et apres luy avoir pris la main, qu’il baisa plusieurs fois sans resistance, parla fort long temps la teste nue. Je vis qu’elle luy respondoit, et à ce que je pouvois remarquer à son visage, ce n’estoient point paroles de courroux. Que si la fortune m’eust permis de voir aussi bien celuy de Pantesmon, peut-estre y eussé-je apperceu quelque mescontentement, qui m’eust contenté, mais il me tournoit presque le dos pour luy parler plus bas. Et lors que j’estois en ceste peine, je vis que tout à coup il se jetta à genoux, et elle se releva un peu sur le lict, et apres se pencha et le baisa.