Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/685

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continuation de sa tromperie ? Estoit-il possible de desmentir de si fideles tesmoins que mes propres yeux ? Sur ceste creance je luy fis, tout en cholere, la responce dont elle se plaint : à sçavoir, qu’un clou chasse l’autre ; mais quel moindre reproche luy pouvois-je faire, ayant opinion d’avoir esté si ingratement trahy ? Outre que j’y estois obligé par les loix de mon affection, qui ne me pouvoient permettre de luy mentir à ceste fois, non plus que je n’avois jamais fait par le passé. Si elle le print autrement que je ne l’entendois, son innocence en estoit la cause, et l’erreur en quoy j’estois me faisoit parler ainsi.

Je voulois bien qu’elle cogneust que je sçavois qu’une autre amour avoit chassé la mienne de son cœur, et toutesfois la crainte que j’avois de luy donner du desplaisir, m’a jusques icy privé de mon plus grand contentement. Car lors que quelquefois je me resolvis de luy faire les reproches que je pensois estre dignes d’une si grande trahison, amour qui a tousjours eu le plus de force de mon ame, m’en empeschoit, et me faisoit changer d’advis, en me disant, que ce seroit trop offencer celle que j’avois tant aymée, de luy faire honte d’une aussi grande faute, et tant indigne d’elle, et que je me devois contenter d’estre hors de la tromperie où j’avois esté si longuement retenu. Je creus ce conseil tres-mauvais pour moy ; car c’est sans doute que si