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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/686

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dés le commencement je luy eusse dict ce que j’avois veu, elle m’eust raconté ce qu’elle avoit fait, et ainsi j’eusse eu autant de bon-heur et de contentement que j’ay souffert depuis de sanglants desplaisirs. Au contraire m’eslongnant entierement d’elle, je ne peus de long temps sçavoir que Pantesmon ne la voyoit plus, et le mal estoit que mesme je n’osois demander de leurs nouvelles, pour ouyr chose qui accreust mon regret.

Enfin mon amour plus forte que ny ma resolution, ny ma colere, me ramena peu à peu aupres d’elle, et dés la premiere veue, ayant oublié tous les outrages que je pensois avoir receus, me voilà plus à elle que je n’avois jamais esté. Mais quelle la retrouvay-je ? C’estoient bien ces mesmes yeux, ceste mesme bouche, et ceste mesme beauté, mais non pas ceste Doris qui à mon depart n’estimoit que Palemon, n’aymoit que Palemon, et ne caressoit que Palemon. A ce triste retour, je ne vis plus que desdain, je ne recognus que hayne, et ne ressentis que rigueur ; de sorte que jusques icy il m’a esté impossible de luy faire entendre le sujet que j’avois eu de m’en retirer, parce que jamais elle n’a voulu souffrir que je luy aye parlé qu’à discours interrompus. Or si toutes ces choses ne sont des preuves d’une tres-fidelle, et tres-violente affection, je ne veux point qu’elle me fasse de grace, encores, ô grande nymphe, que la grace que je