Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/687

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demande n’est point pour faute que j’aye faite contre l’amour, mais seulement pour l’ennuy que je luy puis avoir donné en l’aymant plus, peut-estre, qu’elle ne croyoit pas. Que si l’amour me permettoit de me plaindre d’elle, aussi bien que je le pourrois faire avec raison, je dirois qu’elle a fait un tort extreme à l’amour, à Doris et à Palemon. Car amour se peut plaindre qu’elle a estaint les feux qui estoient allumez en elle d’une si pure flame que la vertu mesme n’eust point esté offencée d’en brusler ; elle les a estaintes, dis-je, pour allumer celles du despit, si noires de fumée, qu’au lieu d’esclaircir, elles ne remplissent son ame que de tenebres et de confusion. Mais Doris se plaindra bien d’avantage qu’une si legere opinion l’ayt rendue parjure, luy faisant rompre les sermens si souvent rejurez à ce berger desastré, de ne changer jamais de volonté. Et que pourroit-elle respondre à Palemon, s’il luy disoit : Est-il possible, mescognoissante bergere, que tant d’années de service, tant de tesmoignages d’affection, et tant d’asseurance de ma fidelité, ne vous ayent peu oster la croyance que si desadvantageusement vous avez conceue de moy ? Et bien ! j’ay esté jaloux : mais ne sont-ce pas des fruicts de l’amour ? pourquoy non jaloux, si amoureux ? et de qui jaloux, sinon de ce que j’ayme ? Et toutesfois soit ainsi que ceste jalousie soit une