Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/704

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tous trois contents. – Je m’asseure, interrompit Silvandre, que cette ordonnance sera bien digerée et quelle rendra preuve d’un bon jugement. – Il n’y a point de doute, dit Hylas, avec un haussement de teste, que qui voudra s’amuser aux melancoliques humeurs de Silvandre ne jugera jamais bien de l’amour ; mais si on veut regarder sainement pourquoy c’est que l’on ayme, on dira que j’ay raison, et que Doris, Adraste et Palemon pouvoient estre tous trois contentez. – Et comment se pouvoit faire cela ? respondit la nymphe. – En ordonnant, repliqua Hylas, que Doris les aymast tous deux, et que tous deux la servissent ; car par ce moyen ils eussent eu ce qu’ils desiroient, qui estoit d’estre aymez d’elle, et elle en eust esté mieux servie.

Il n’y eust celuy qui peut s’empescher de rire, oyant un tel jugement, et Leonide plus que les autres, de sorte que s’addressant à elle : Il semble, dit-il, grande nymphe, que vous vous mocquiez de moy ? – Tant s’en faut, dit-elle, il semble bien mieux, Hylas, que vous vous moquiez de nous. – Excusez-le, madame, interrompit Silvandre, il en parle selon sa pensée. – Si la vostre, dit-il, s’addressant à Silvandre presque en colere, est differente à la mienne, vous pensez tres-mal, et voudrois bien sçavoir sur quelle raison vous pouvez vous appuyer pour blasmer cette ordonnance ? Silvandre luy respondit froidement : Le sens