commun nous apprend que ce que plusieurs possedent n’est à personne entierement. Si plusieurs possedent la bonne volonté de Doris, ny Adraste ny Palemon n’en auront que leur portion ; mais en amour, n’en avoir qu’une partie, c’est n’en avoir rien du tout.
Diane prenant la parolle, et s’addressant à Silvandre : Pourquoy, dit-elle, parlez-vous de ceste sorte à Hylas ? Ne sçavez-vous, berger, qu’il n’entend pas ce langage ? A la verité, reprit Hylas, vous avez raison de vous en mesler aussi, car peut-estre Silvandre n’a pas assez de babil pour confondre luy seul tout le reste du monde.
Et puis se tournant vers Leonide : Ouystes-vous jamais, dit-il, grande nymphe, un plus fausse opinion que celle de Silvandre ? N’avoir qu’une partie d’une chose, c’est n’en avoir rien du tout, et qui jugera que dans une tasse il n’ait point d’eau, parce que toute la mer n’y est pas ? Je voudrois bien sçavoir quel est le sens commun qui luy apprend une chose si fausse. Silvandre luy respondit : Si l’amour comme l’eau pouvoit estre divisée et demeurer toujours amour, vous auriez quelque raison ; car l’eau est de telle nature qu’une seule goutte est aussi bien eau que toute la mer, et toutes les sources ensemble. Mais l’amour au contraire n’est plus amour, aussi tost que le moindre partie luy deffaut ; et pour faire voir que je dis vray, l’amour consiste principalement en l’affection axtreme, et en la perpetuelle fidelité. Si