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Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/707

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les parolles. Or Silvandre n’a que des parolles pour preuver ce qu’il dit, et moy j’ay les effects et l’experience si familiere, que je n’en veux point chercher de plus esloignée qu’en moy-mesme. Car j’en ay aymé plusieurs tout à la fois, et sçay fort bien, quoy qu’il vueille dire, que veritablement je les aymois, et pourqouy Doris n’en pourroit-elle faire de mesme ? – Il y a plusieurs personnes, repliqua Silvandre, qui pensent faire des choses qu’ils ne font pas. Tous les artisans, mais plus encor tous ceux qui s’addonnent aux sciences, et aux arts qui ne sont point mecaniques, ont opinion de faire tres-bien ce qu’ils font, et y en a fort peu qui ne jugent leur courage plus beau et plus parfait que celuy de tout autre, et toutesfois on voit bien qu’ils se trompent, et qu’il y a bien souvent de tres-grandes imperfections ; mais l’amour de soy-mesme qui est presque inseparable du jugement, couvre ordinairement les yeux à chacun en ce qui le touche. Il en faut autant dire de Hylas, qui pense de bien aymer, et toutesfois en est un fort mauvais ouvrier, et par ainsi qui voudra bien aymer, s’il ne veut errer, ne prendra jamais son patron sur luy.- Et sur qui donc ? interrompit Hylas, sera-ce point sur vous ? – Si quelqu’un, respondit Silvandre, le vouloit bien representer, le patron que vous dites seroit trop difficile, et ne crois pas que personne le puisse que Silvandre seul. – Voilà,