Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/708

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luy respondit Hylas, l’une des plus grandes outrecuidances que l’amour de soy-mesme puisse produire : Que vous seul puissiez bien aymer. – Je dis, repliqua Silvandre, que mon amitié est parfaite, et que nous ne sçauriez y trouver rien à reprendre, et de plus que vous ne sçauriez m’en proposer un autre qui le soit davantage. – Voyez, s’escria Hylas, quelle outrecuidance est celle de ce berger : luy seul sçait aymer, c’est luy qui donne les loix à l’amour, qui l’a fait venir du Ciel parmy les hommes, et qui mesure la grandeur et perfection de nos volontez. Belle nymphe, si ce ne vous est chose ennuyeuse, permettez-moy que je luy montre son erreur. Et lors enfonçant son chappeau, et relevant un peu l’aisle qui luy couvroit le front, mettant une main sur le costez, et de l’autre accompagnant par des gestes la violence de sa parole, il luy parla de ceste sorte : Tu dis deux choses, Silvandre : l’une que ton affection est parfaicte, et ne peut estre reprise, et l’autre que je ne t’en sçaurois proposer une plus accomplie. Respons moy pour la premiere : A ce qui est parfaict peut-on adjouster quelque chose ? Je m’asseure que tu diras que non, car s’il se pouvoit, la chose auroit manqué auparavant de ce qu’on y auroit raporté. La chose à laquelle on ne peut rien adjouster, doit estre venue à son extremité. Et par ainsi il faut advouer que